Chant de la concentration
La connaissance (sct. Vidya, tib. Rik.pa) ne pouvant devenir objet d’elle-même ni sujet de sa connaissance,
Ne pouvant être agent de quoique ce soit,
Ni même être l’action de connaître,
Que reste-t’il au yogacharya pour réaliser la connaissance innée ?
Cet épuisement même de toutes démarches est l’accès à la connaissance en son immédiateté. Si cela ne peut se réaliser par la grâce de la simplicité, l’élève s’en remettra consciencieusement aux instructions d’un Lama qualifié.
Ne pas se souvenir des mots exacts du Lama
C’est comme avoir un GPS sans liaison.
Viennent divagation et perte de temps.
Ne pas chercher à comprendre les mots du Lama
Qui nous introduit à la nature de l’esprit
Est un gâchis de l’intelligence humaine.
Ne pas vérifier notre compréhension
Par l’expérience directe
Est un affront à tous les éveillés du passé.
Par devoir de lucidité
Le yogacharya aborde la concentration.
Pour éviter léthargie mentale et rêvasserie,
Ne pas rechercher la paix,
Mais la lucidité libre.
Pour éviter transport extatique et désincarnation
Ne pas rechercher la félicité,
Mais la lucidité loisible.
Pour éviter l’abstraction sensorielle et voyage
Ne pas rechercher d’effet spectacle,
Mais la lucidité toute ordinaire.
Détermination, compréhension et concentration
Ne s’apprennent pas, mais se décident.
Cette attitude décisionnelle n’appartient qu’à soi
Et ne tolère aucun prétexte
Pas même un défaut de mérites antérieurs.
Avec une ferme détermination à ce qui doit être fait
Et une ferme compréhension de ce qui doit être vu,
Méditer une bonne fois pour toute,
Sans plus aucune distraction.
Un effort constant de concentration
Traverse l’ennui et la banalité
Puis conduit à l’enstase
Caractérisée par une cognition équanime
Où sujet et objet, de par leur nature mentale similaire,
Participent sans flux du cognitif.
Entrer en métacognition des cinq processus
En disposant d’une intelligence discernante
Entraîne les premiers samadhis de Vipassana.
Rester en tout contact (tib. Rè pa)
Sans soupçonner les facultés (tib. Ouang po).
Ne pas se préoccuper du « moi » ;
Il se résorbe comme buée sur le miroir
Dès lors que l’objet s’avère de nature virtuelle
Sans appropriation possible.
Quand la Vue n’est pas une simple suggestion,
Mais se conforme à l’authenticité de la Base,
S’établit l’union naturelle qu’est la connaissance.
Tout objet étant dénué d’essence,
Ni objet ni non-objet
Se révèle le Dharmata, quiddité-vide.
Ni propriétaire, ni agent, ni destinataire cognitif
Ni sujet ni non-sujet
Se révèle la connaissance-vide.
Ni agir ni non-agir
Ni perception ni non perception
S’affirme l’évidente co-émergence.
Là où la connaissance fixe sa demeure,
C’est le Yidam en son palais ;
Sceau (sct. Moudra) de co-émergence clarté-vide.
Là sur quoi la connaissance fixe sa vision,
C’est la Terre pure ;
Sceau du Dharmata quiddité-vide.
Ce dont la connaissance jouit en cette vision,
N’étant pas cognitive,
Ne participe pas des trois temps ;
Sceau du non-temps félicité-vide
Ce pour quoi la connaissance s’exécute,
N’est pas conditionné ;
Sceau de compassion effiscience-vide.
Que ce soit soutra ou tantra
La concentration nourrie d’une Vue juste
Accomplira les quatre yogas du Sahaja-Mahamoudra.
Lama Shérab Namdreul (retraite de février 2015, Chèvre-Bois)
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